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Volvo Trucks Electric : commercialisation du premier poids lourds 44 t à batterie




Alors que les offres de camions à propulsion électrique à batterie jusqu’à 26 tonnes se multiplient pour les livraisons urbaines et transport régionaux, on pouvait se demander si un poids lourds d’un PTRA 40 t ayant recours au même moyen de propulsion serait crédible. Si plusieurs projets européens sont encore en développement, celui de Volvo Trucks est finalisé puisque ce dernier vient de lancer la production de 3 modèles en septembre dernier. Le constructeur suédois a pu proposer cette offre sur le marché rapidement grâce à ses choix d’organes issus de camions électriques ou thermiques existants. De nombreux challenges étaient à relever tels que le logement de 540 kWh de batterie dans un tracteur, l’intégration d’une boîte de vitesses, le fonctionnement silencieux d’accessoires, etc. Nous avons également pu tester ce véhicule, évidemment chargé à 40 t.



L’avantage d’un camion électrique est de pouvoir accéder aux ZFE (Zones à Faibles Emissions) des villes, sans pollution locale et sans bruit, ce qui est particulièrement appréciable la nuit.

Sur la marché nord-américain, le constructeur Nikola a commercialisé en quelques dizaines d'exemplaires depuis septembre 2021 le TRE, un camion 6x2 embarquant 9 batteries d’une capacité totale de 733 kWh et permettant une autonomie de plus de 500 km. Développée en collaboration avec Iveco Europe, sa version européenne tracteur 4x2 vient juste d'être lancée sur un empattement de 4 021 mm.

Ensemble module de batterie, chargeur, onduleurs et gestion thermique en cours d’assemblage sous la cabine

Le Volvo FH Electric embarque 5 ou 6 packs de batteries de 90 kWh chacun, selon le choix du client. Chaque pack pèse 500 kg et les cellules lithium-ion fournies par Samsung sont de type NCA en format prismatique et refroidies par eau. La version 540 kWh, mais qui n’en utilise que 70 %, propose une autonomie atteignant 300 km selon les profils d’usage. Ses 6 packs sont logés dans un empattement de 3900 mm : 3 sur le côté droit, 2 sur le côté gauche et 1 sous la cabine qui héberge également le chargeur, les onduleurs et la gestion thermique. Cet arrangement a imposé une augmentation de la charge de l’essieu avant, passant de 9 t à 10 t.

Une autonomie de 300 km pour un 44 t limite l’emploi de ce poids lourd mais Jerôme Flassayer, directeur électromobilité et énergies alternatives chez Volvo Trucks France, précise : « La densité d'énergie des batteries devrait doubler d'ici 10 ans, ce qui donnera alors une autonomie de 600 km. »


Le GMP installé au centre du châssis est composé de 2 ou 3 moteurs-générateurs, également selon le choix du client. Connus puisque déjà commercialisés sur les FL Electric et FE Electric dans une gamme allant de 16 à 26 t, ces GMP délivrent au total 330 kW (449 ch) ou 490 kW (666 ch) avec 3 moteurs. La puissance maximale est également atteinte lors de la récupération d’énergie.

La chaîne de traction est alimentée sous 600 V. Pourquoi 600 V et non 800 V pour de telles puissances alors que cette tension existe déjà sur quelques voitures haut de gamme ? Jerôme Flassayer répond : « C’est également une question de gain de temps. Les composants sous 600 V existaient déjà pour nos bus commercialisés depuis 2017. Par ailleurs, les bornes de recharge sous 800 ou 900 V, tensions que nous visons à moyen terme, ne sont pas encore facilement disponibles. » Le constructeur qui a déjà fabriqué plus de 4 000 bus bénéficie effectivement d’une expérience réelle.

Contrairement aux voitures qui possèdent des circuits de refroidissement distincts pour la batterie et l’ensemble moteur et électronique de puissance, le Volvo FH Electric dispose d’un seul pour tous ses composants. La température de la batterie est régulée à 25 °C et peut varier de plus ou moins 15 °C selon l’usage. En cas de forte demande d’échange de calories, un circuit de climatisation ou une résistance électrique entre dans la boucle du circuit.

Les 2 ou 3 moteurs sont engrenés en parallèle et accouplés à une variante de la boîte pilotée I-Shift actuellement commercialisée sur la gamme thermique. Jerôme Flassayer justifie ce choix : « Reprendre une transmission existante permet de gagner du temps de développement et de limiter les investissements. La transmission est ici en version sans embrayage de démarrage et les crabots ne sont pas dotés de synchroniseurs. Les changements de rapports sont rapides car les moteurs électriques ajustent le régime de l’arbre primaire à celui du crabot en un temps ultra-court. »

Si les 12 vitesses sont maintenues, le FM Electric n’exploite que quelques rapports entre le 7ème et le 12ème en utilisation courante, les rapports inférieurs étant sélectionnés selon la charge et la pente. Le conducteur peut également passer en mode manuel si le type de conduite le nécessite.

Le circuit pneumatique est identique à celui des poids lourds thermiques, excepté le compresseur qui n’est plus à pistons mais à spirale afin de réduire le bruit de fonctionnement, cette technologie étant toujours de type volumétrique. Le compresseur électrique de climatisation est issu de celui autonome de la cabine déjà employé sur des modèles diesel. Le réseau 24 V est alimenté par un convertisseur DC-DC branché aux batteries 600 V. La capacité des batteries 24 V est similaire à celle des véhicules thermiques, afin d’assurer notamment le service de nuit sans avoir recours au convertisseur.

Contrôle du patinage par le système Active Grip Control sur camion thermique à gauche et à batterie à droite


À l’instar des camions thermiques, la version à batterie dispose du contrôle de patinage « Active Grip Control ». La gestion du régime est cependant plus fine car les moteurs électriques sont particulièrement réactifs alors que le dispositif des versions thermiques utilise les freins (système TCS) et le moteur qui ont une inertie élevée.

Dispositif également proposé sur quelques voitures électriques, le système « One Pedal Drive » permet au conducteur de sélectionner le comportement de la récupération de l’énergie cinétique en fonction de la position de la pédale d’accélérateur : coupé, actif avec une régénération prioritaire lors des freinages et automatique. Avec ce dernier, une régénération légère est appliquée à chaque levé de pied de la pédale et roue libre à une vitesse inférieure à 55 km/h.

Ces poids lourds électriques ne nécessitent pas l’ajout d’un ralentisseur puisque cette fonction est assurée par la régénération utilisant les moteurs en mode générateur, mais la puissance maxi est alors moindre. Jerôme Flassayer explique : « Un dosage spécifique de la puissance en mode régénération permet de mieux contrôler l’usure des pneus. »

Cette fonction n’est pas disponible dans le cas particulier de batteries chargées à 100 %, ce qui se produit lors d’un démarrage de mission.

Via la prise standard type 2 / CCS-2, le temps de recharge de 0 à 100 % est de 10 h sur une borne AC de 43 kW en prise triphasée 65 A et de 2 h en borne DC de 250 kW. Les modèles à 5 packs de batterie, de capacité totale de 450 kWh au lieu de 540 kWh, acceptent également une puissance maxi de recharge de 250 kW. Cette puissance est basse au regard de la capacité de batterie, le C-rate étant de 0,46 contre environ 2 en voiture. Jerôme Flassayer : « Nous commençons avec 250 kW, les bornes plus puissantes ne sont pas encore disponibles pour les clients, nous allons monter ensuite à 350 kW, puis 500 kW. Nous visons le mégawatt à plus long terme. La charge rapide est requise afin d’utiliser la pause du conducteur pour accroître l’autonomie journalière. »

Le simulateur ERS (Electric Range Simulation) développé afin de définir le besoin des acheteurs indique une consommation de 80 kWh pour un porteur en transport grandes routes et de 160 km pour un camion-benne. À partir de cette valeur moyenne, l’autonomie varie selon de nombreux critères, le simulateur estimant ainsi une variation de 10 % selon la température extérieure, de 2 % par tonne transportée, de 1,3 % par km/h de vitesse moyenne, jusqu’à 5 % par classe de pneumatique, de 20 % entre batterie neuve et en fin de vie, ainsi que jusqu’à 20 % et parfois plus selon le style de conduite.

Les versions FM pour le transport régional et FMX Electric pour les chantiers de construction reprennent les mêmes caractéristiques.

Essai du Volvo FH Electric


Il nous a été permis d’essayer un Volvo FH Electric 490 kW (666 ch) chargé à 40 t sur le circuit école du Mans. Hormis quelques indicateurs, le poste de pilotage semble similaire à celui des véhicules thermiques, avec également le même levier de vitesses. Comme attendu, mais suscitant cependant notre satisfaction, le 44 t se lance en silence et en douceur. Étant sur une route plane, le rapport de 8ème a été choisi par le système de gestion de la transmission pour lancer le véhicule. L'inclinaison du véhicule et sa charge sont connues par le logiciel qui utilise des capteurs déjà en place sur les véhicules thermiques à transmission automatique.

Ce démarrage sur le 8ème rapport est possible grâce au couple élevé à 0 km/h de la version 3 moteurs : 2400 Nm contre 2800 Nm à 800 tr/min pour le diesel D13TC de 368 kW (500 ch).

Les rapports de 10ème vers 45 km/h puis de 12ème à partir de 70 km/h ont ensuite été sélectionnés. Ainsi seulement ces deux rapports ont été utilisés sur le circuit, sans pente rappelons-le. Les changements de rapport sont perceptibles, mais très rapides.

Lorsque le système « One Pedal Drive » est activé, la décélération maxi semble faible. En fait cette sensation provient des essais voitures qui disposent d’un ratio puissance/masse allant de 70 kW/t à 250 kW/t, contre 13,5 kW/t pour cet ensemble de 40 t.

Prochain développement : pont arrière avec GMP intégré


Volvo Trucks développe également un pont arrière intégrant un moteur électrique et une boîte à 2 rapports seulement. Cette architecture évite l’utilisation d’un arbre de transmission, ce qui allège le véhicule et permet de gagner de la place pour installer un pack de batteries supplémentaire au centre du châssis.

Les poids lourds dotés de cet essieu moteur sont dédiés au transport à plus longue distance sur des parcours avec faibles pentes en raison du couple moindre aux roues à basse vitesse. Ce moteur-pont équipera également les prochains camions électriques à pile à combustible.


Auteur : Yvonnick Gazeau
Source : Volvo Trucks


novembre 2022

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